Présentation de l'exposition de Shigeko Hirakawa au
CIACC, juin - juillet 2000
Quand un artiste intervient dans un lieu, public ou non, il rencontre
presque obligatoirement des
contraintes de type sociales. Même dans un lieu libre, comme un
champ, une forêt, un parc, il ne
peut travailler sans une autorisation du propriétaire. De nos
jours, nul lieu de notre environnement n'échappe au
contrôle des hommes et ce fait m'est apparu clairement lors des
tempêtes de Décembre 1999. On a vu de nombreux arbres
tomber sous la violence du vent, et aussitôt les gens se sont
précipités pour tout remettre en ordre, pour
évaluer le coût du bois perdu et tracer un plan de
reboisement qui durera des années. Economique ou
écologique, quelle qu'en soit la raison, c'est évidemment
pour le profit des hommes qu'on prend la peine des soins à la
nature. Sans pouvoir maîtriser la nature, on construit partout
une nature adéquate, soumise à la vie humaine.
Finalement, l'homme est avec la nature sous le contrôle de la
société. Et c'est en regardant la nature artificielle
qu'il se voit : il agit sur lui-même comme sur la nature, il se
construit dans le but unique de servir la société.
Dans cette exposition, j'illustre ce propos en rassemblant des morceaux
de nature, des troncs
d'arbres. Ils sont dans la salle, redressés après la
tempête, mais coupés de leurs racines par un
plateau, sans branches ni feuilles, limités vers le haut par
d'autres plateaux. Ils sont juste debout, comme des humains
adaptés pour la société.
L'EAU, un autre élément de la nature, est à la
fois destructrice et indispensable à la vie. Dans
l'ancien Japon, le mot « AME » était employé
à la fois pour désigner la PLUIE et le CIEL, d'où
tombe la pluie qu'attendent les cultures. J'ai eu, en 1997, une
rencontre fascinante avec la force
alchimique de l'eau qui donne la vie et transmute les choses :
c'était près de Mont-de-Marsan,
dans la forêt des Landes. L'immense forêt de pins maritimes
n'avait pas été créée artificiellement
seulement pour l'industrie forestière de la région : elle
était capable de pomper l'eau du sol trop humide et servait
à rendre le terrain favorable à d'autres cultures.
Lorsqu'on coupe l'un de ces pins maritimes artificiellement
plantés, chacun de ses tubes capillaires laisse couler un flot
de résine parfaitement transparente, comme une abondante
transpiration. La résine, habituellement
brune, est tellement diluée d'eau, qu'elle devient transparente
et fluide, si abondante qu'elle rend le bois du pin très lourd.
Cette circulation de l'eau, remarquée dans le tronc d'un arbre,
m'avait inspiré une oeuvre nommée " Transmutation / Vie
".
Dans cette exposition, l'eau semble domptée, elle est
isolée de la nature, enfermée et immobile
dans un plastique souple. La fluorescéine qui la colore est
employée en principe pour révéler les
courants cachés des eaux souterraines, mais elle crée ici
un phénomène visuel d'une grande
simplicité. Avec la même simplicité, cette eau peut
se libérer fluidement de son contour de
plastique.
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