Description de sa démarche par l'artiste - en 2002.
Depuis 2 ans j'ai centré mon travail sur le thème de
l'eau, élément clef de la vie et de la nature. L'eau est
à la fois destructrice et indispensable à la vie.
L'aspect qui m'intéresse de ce sujet, c'est le caractère
alchimique de l'eau et la façon dont l'être humain
s'approprie cet élément de la nature. J'ai
découvert que l'eau devenait une composante de mon travail en
1992 lors de la réalisation en plein air de mon oeuvre "Spinning
Ellipses". Pour cette oeuvre, j'ai découpé du gazon dans
le sol, et je l'ai suspendu entre des arbres. Déjà
à l'étape de la conception de l'oeuvre, sur mes dessins
préliminaires, le gazon suspendu semblait avoir besoin de se
nourrir hors de la terre; et les trous laissés au sol me
faisaient imaginer que l'eau surgirait, sans emploi, sans herbes
à nourrir. A ce moment-là, j'ai compris ce
qu'était le principe de ce projet : c'était de
matérialiser cette intuition que je ressens dans les rapports
entre les choses. L'eau, dans les trous que j'avais remplis, devait
encore se distinguer pour être vue comme une forme issue de mon
imagination. C'est alors que j'ai découvert la
fluorescéine (un colorant biodégradable qu'on utilise
pour rechercher des cours d'eau souterrains) et j'ai pu grâce
à elle mettre en valeur le "volume" de l'eau. Cette
expérience a agit sur mon travail ultérieur et j'ai pris
plus nettement conscience de l'importance du dialogue avec
l'environnement.
Dans le sud-ouest de la France en 1997, une autre expérience du
dialogue avec l'environnement des Landes, m'a amené à des
recherches plus approfondies. Pour m'aider à découvrir un
site de travail, on m'a guidé à travers la ville
Mont-de-Marsan et j'ai fait connaissance avec la ville en
flânant. Tout autour, l'immense forêt de pins maritimes,
qui était le thème de l'exposition, était
fascinante. C'est une forêt artificiellement créée
pour l'industrie forestière de la région; elle sert aussi
à pomper l'eau du sol trop humide et rend le terrain favorable
à d'autres cultures.
Lorsqu'on coupe l'un de ces pins maritimes, chacun de ses tubes
capillaires laisse couler un flot de résine parfaitement
transparente, comme une abondante transpiration. La résine,
habituellement brune, est tellement diluée d'eau qu'elle rend le
bois du pin très lourd. Cette circulation de l'eau,
remarquée dans ces troncs d'arbre, m'a inspiré une oeuvre
nommée "Transmutation/ Vie". Pour cette oeuvre, j'ai
dressé dans un bassin d'eau de source 12 troncs d'arbre de 40cm
de diamètre et de 2,50 mètres de haut. J'ai
découpé chaque tronc à la hauteur des yeux des
habitants et entre les deux tronçons de chaque tronc j'ai
inséré un cylindre de résine polyester. Cette
résine artificielle était comme une cristallisation de la
résine naturelle, une mise en évidence sa circulation
dans le tronc de pin. Ce projet que j'avais conçu sur le
thème de la vie et la mort, avec une installation sur chacune
des rives de la rivière principale de la ville, a finit par se
marier avec l'environnement, soulignant intensément le sens de
la vie par la force alchimique de l'eau.
Dans le travail que j'ai présenté en 2001 à la
Maison des Arts de Malakoff, j'ai également utilisé la
fluorescéine. Verte ou jaune, l'eau change de couleur selon la
couleur du récipient et l'éclairage. Ce colorant de
repérage évoque l'attitude observatrice de l'être
humain qui cherche des cours d'eau dans la nature, une des
premières démarches d'appropriation de la nature par
l'être humain. Depuis une décennie, on parle souvent des
dérèglements du climat terrestre, des tempêtes, des
inondations, et de transformations indésirables de
l'écosystème.
En décembre 1999, lorsque des tempêtes ont ravagé
toute la France, on a vu de nombreux arbres tomber sous la violence du
vent et aussitôt les gens se sont précipités pour
tout remettre en ordre, pour évaluer le coût du bois perdu
et tracer un plan de reboisement qui durera des années encore.
Economique ou écologique, quelle qu'en soit la raison, c'est
évidemment pour le profit des hommes qu'on prend la peine des
soins à la nature. Sans pouvoir maîtriser la nature, on
construit partout une nature adéquate, soumise à l'ordre
humain. Finalement, l'homme est aux cotés de la nature sous le
contrôle de la société. Et c'est en regardant la
nature artificielle qu'il se voit : il agit sur lui-même comme
sur la nature, il se construit dans le but unique de servir la
société.
Dans mon exposition personnelle de 2000 à la galerie parisienne
CIACC, j'ai illustré ce propos en rassemblant des morceaux de
nature; des troncs d'arbres, redressés après la
tempête, mais coupés de leurs racines par un plateau de
bois, sans branches ni feuilles, limités vers le haut par
d'autres plateaux. Ils étaient juste debout, comme des humains
adaptés pour la vie en société. Les
déchaînements du climat mondial qui deviennent de plus en
plus violents et imprévisibles semblent démontrer que la
nature se défend contre la tyrannie des sociétés
humaines, et qu'elle exige de l'être humain qu'il
réorganise sa vie d'une manière fondamentale.
Comment ma vision artistique va-t-elle se développer à
partir de ce stade? La réponse m'apparaîtra à
travers d'autres dialogues avec de nouveaux environnements.
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