"Cinq
Sphères Rouges" pour le bâtiment des
Sciences Mathématiques de l'Université de Tokyo.
Quand la peinture est prise en compte dans l'espace environnant, la
forme de la peinture change automatiquement. C'est parce qu'elle ne
peut échapper à l'influence des conditions qui
l'entourent. Si ce changement ne peut être évité,
en contrepartie la nouvelle forme accroît ses chances de survie.
Cela ressemble à un processus organique tel que celui de la
reproduction des être vivants. Une peinture brûle de
l'énergie dans son propre territoire dans ses efforts pour en
sortir et pour se connecter au monde extérieur. Cet état
de chose est exactement semblable à celui des opérations
entre les deux hémisphères cérébraux qui
jouent des rôles complètement différents tout en
coopérant. Les yeux regardent simultanément vers
l'intérieur et vers l'extérieur. L'engagement dans
l'environnement a toujours lieu à travers un travail conscient
qui met en jeu ce type de lien organique. C'est ainsi que mes peintures
sont amenées à la vie pour prendre place dans
l'environnement.
Lorsqu'ici je dis "peinture", je me réfère à
l'action de décolorer. La décoloration est un processus
qui commence dans un monde ou la couleur existe déjà. Je
choisis consciemment des couleurs dans l'environnement et j'utilise des
produits chimiques pour les supprimer, révélant ainsi le
monde qu'elles cachaient. Cette action est exactement à
l'opposé de celle qui consiste à appliquer la peinture.
Au lieu de dépenser ma propre énergie, je laisse agir
l'agressivité d'un agent décolorant. Je réunis les
conditions nécessaires à l'obtention du résultat
voulu d'après les données rassemblées au cours de
mes nombreux essais de décoloration. Ensuite, j'attends que la
couleur s'estompe, à mesure que l'agent décolorant agit
en accord avec le soleil, dans une sorte de frottage. Aussitôt
que le produit a été appliqué sur le tissu une
réaction chimique démarre et il est impossible de revenir
en arrière pour apporter des corrections. Je ne puis intervenir
au cours du processus et puis seulement attendre que la couleur
s'estompe avec le temps. Comme il est difficile d'exercer un
contrôle, mon rôle est plus difficile que si j'avais une
action consciente.
J'ai commencé le processus de décoloration pour cette
oeuvre en septembre 1998 en trempant 54 mètres de tissus dans
l'agent décolorant jusqu'en février 1999. A cause des
conditions climatiques inhabituelles en France, le soleil,
élément essentiel dans la dernière phase de la
décoloration, est resté caché. La seule
lumière solaire disponible était faible et brève,
apparaissant de temps à autres entre les nuages. L'effet de ce
soleil d'hiver sur mes décolorations a été de
fixer les détails des dessins sur les tissus plus nettement que
ce à quoi je m'attendais. J'ai sélectionné 5
pièces de tissus montrant de subtils changements de couleurs,
après examen des 45 mètres de dessins négatifs
créés par le processus de retrait des couleurs. Je les ai
ensuite fixés à des panneaux de bois.
Cela fait maintenant quelques temps que je crée sans utiliser de
pigment ou de pinceau. En même temps, j'ai commencé
à m'engager de plus en plus dans le monde extérieur et la
majorité de mes oeuvres est devenue tridimensionnelle. Mes
oeuvres de décoloration ont l'aspect de peintures au premier
abord, mais parce qu'elles sont créées par l'usage de
forces extérieures pour enlever des couleurs déjà
présentes dans le monde réel, elles tendent vers des
formes tridimensionnelles. C'est probablement pourquoi la rencontre des
forces internes et externes, aboutit d'une façon ou d'une autre
à une sculpture qui fusionne avec l'environnement. Ce fait est
clairement révélé par l'intermédiaire des
traces du faible soleil d'hiver laissées dans l'oeuvre comme des
brûlures.
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